Alison Byrne
Chef d’équipe, Services-conseils en santé en milieu de travail – Royaume-Uni, Mercer Marsh Avantages Sociaux
Toutefois, dans un récent sondage, les RH et les gestionnaires de risques ont respectivement classé les risques de santé mentale 18e et 21e sur 25 risques, et l’épuisement de la main-d’œuvre 22e sur 25. C’est assez étonnant étant donné qu’il s’agit de problèmes aussi omniprésents, et cela semble être en contradiction avec le fait que certains risques croisés sont présents parmi les 10 premiers, notamment les catastrophes liées à la vie privée, qui modifient la nature du travail et l’environnement.
Les entreprises voient-elles la santé mentale comme un problème dépassé? Ont-elles l’impression de l’avoir réglé en ajoutant un programme de consultation personnelle ou en exécutant une campagne de lutte contre la stigmatisation?
Il s’agit de la deuxième partie d’une entrevue de BRINK avec Mme Alison Byrne et le Dr Ariel Almazan, de Mercer Marsh Avantages sociaux sur la façon dont la santé mentale affecte le travail et la façon de mieux soutenir les employés. Vous pouvez lire la première partie ici.
BRINK : Le sondage mentionne que les programmes de consultation personnelle et les campagnes de lutte contre la stigmatisation ne fournissent pas assez de soutien. Comment les entreprises peuvent-elles en faire plus, ou peut-être faire quelque chose de nouveau ou d’inhabituel, pour aider leurs employés à relever les difficultés qu’ils affrontent en matière de santé mentale?
DR ALMAZAN : L’une de nos inquiétudes est que les RH et les gestionnaires des risques pensent à la santé mentale comme un problème qu’ils ont résolu avec succès. Nous craignons que de nombreuses entreprises croient que les problèmes de santé mentale peuvent être entièrement réglés par le biais d’un programme de consultation personnelle. Bien qu’un tel programme ait toujours été la pierre angulaire de la stratégie de l’employeur en matière de santé mentale, de nouvelles solutions permettent aux sociétés de se concentrer sur la prévention, la résilience et les politiques internes.
Il est important que les employeurs comprennent les besoins uniques de leur personnel en matière de santé mentale et les risques que lui fait courir la façon dont une entreprise est dirigée. En outre, les employeurs devraient doter les responsables les superviseurs et les collègues des compétences nécessaires pour déceler rapidement les signes avant-coureurs de stress et de problèmes de santé mentale.
Une pièce du casse-tête est la gestion active des risques psychosociaux. L’EU-OSHA définit les risques psychosociaux comme ceux qui sont le résultat d’une mauvaise conception, organisation et gestion du travail, ainsi que d’un contexte socioprofessionnel défavorable. Ils peuvent avoir des conséquences psychologiques, physiques et sociales négatives, comme le stress occasionné par travail, le surmenage ou la dépression.
Les nouvelles Lignes directrices de la norme ISO 45003 fournissent aux sociétés des renseignements sur la gestion des risques pour la santé psychologique et la sécurité, dans le cadre de la gestion de la santé et de la sécurité au travail. Cette norme aborde de nombreuses façons dont la santé psychologique d’un travailleur peut être affectée, y compris en raison de la culture d’entreprise, d’une mauvaise direction, d’une charge de travail excessive et de styles de communication improductifs. Enfin, elle comprend des renseignements sur la façon de reconnaître les dangers psychosociaux qui peuvent affecter les travailleurs et offre des exemples de mesures efficaces qui peuvent être prises pour les gérer.
Une autre pièce importante du casse-tête est l’assurance. Dans le cadre de notre recherche Santé à la carte, un employé sur deux a déclaré qu’il apprécierait de bénéficier d’une couverture d’assurance pour réduire le coût du traitement de la santé mentale. Toutefois, bien que la santé mentale ait été considérée comme le deuxième risque le plus important pour la santé des employés, la couverture du régime d’avantages sociaux est grandement insuffisante.
Et même si le nombre d’assureurs offrant un soutien en santé mentale a augmenté, il y a encore des lacunes importantes. L’étude de 2022 sur les tendances en santé de Mercer Marsh Avantages Sociaux montre que bien que les deux tiers des assureurs à l’échelle mondiale déclarent qu’ils couvrent des séances de consultation psychologique ou psychiatrique, en pratique, les deux tiers de ces séances couvrent 10 séances ou moins.
Les employeurs doivent également s’assurer que le coût des soins n’est pas un obstacle à la prestation des avantages sociaux assurés. Cela signifie qu’il faut intervenir rapidement et, dans la mesure du possible, créer une culture de la santé qui tient compte du bien-être mental avant que le traitement ne soit nécessaire.
Cela commence par une stratégie complète de santé mentale en milieu de travail, reconnaissant les différents besoins et la diversité des employés. Cela peut comprendre le soutien des pairs ou des superviseurs ainsi que des solutions ciblées qui complètent le programme d’aide aux employés, par exemple un soutien clinique continu en psychiatrie ou un traitement de la toxicomanie reconnaissant les différents besoins et les horizons divers des employés.
Notre recherche a également révélé que près de la moitié (47 %) des employés accordent une grande importance aux services ciblés pour les enfants, les adolescents et les parents afin de régler les problèmes de santé mentale chez les jeunes, et que 47 % des employés considèrent comme très utiles les outils comme la pleine conscience ou la résilience pour mieux faire face à la pression. De plus, les employés qui s’identifient comme étant LGBTQ+ sont beaucoup plus susceptibles d’apprécier davantage les avantages sociaux liés à la santé mentale que tous les autres avantages sociaux.
Les employeurs qui fournissent ces interventions sont plus susceptibles de tirer parti de l’amélioration de l’expérience de la gestion des demandes de règlement et des risques d’entreprise en général. La prestation de telles solutions contribue également à résoudre l’important processus de déstigmatisation de la santé mentale en milieu de travail.
Cependant, les inégalités en matière de soins de santé persistent, ce qui signifie que les personnes à faible revenu et occupant un poste à temps partiel ont le moins accès aux avantages sociaux, alors que ce sont celles qui ont le plus besoin de soutien et d’aide. Notre recherche montre que 22 % des employés des catégories à faible revenu ont indiqué avoir accès à des services de consultation en santé mentale facilités par l’employeur, comparativement à 32 % des employés aux revenus plus élevés. De nombreuses entreprises structurent leurs programmes de rémunération pour attirer et retenir des cadres supérieurs, mais la conséquence est que les employés aux revenus moins importants n’en profitent pas. Cela entraîne un faible niveau d’engagement, un roulement élevé, une faible productivité et une mauvaise réputation.
Les entreprises qui veulent réaliser l’équité doivent réfléchir à la façon dont les régimes et les avantages sociaux peuvent être repensés pour s’assurer que tous les employés sont protégés et pris en compte. Les employeurs doivent envisager activement de « renverser la pyramide » en vérifiant les exigences d’admissibilité au régime d’avantages sociaux pour s’assurer que les travailleurs à faible salaire n’en sont pas exclus.
BRINK : Les rapports de surmenage et d’épuisement professionnel ont augmenté. Voyez-vous d’importants changements à l’horizon quant au nombre d’employés qui devraient travailler? De nombreuses entreprises, par exemple, expérimentent une semaine de travail de quatre jours.
DR ALMAZAN : Notre dernière étude sur les tendances mondiales en matière de talents a révélé que 81 % des employés sentent courir un risque d’épuisement professionnel, une hausse par rapport à 63 % en 2019.
Cela est causé par une myriade de facteurs, notamment : la pression poussant les employés à en faire plus, le rythme constant du changement, la transformation technologique, le mauvais équilibre travail-vie personnelle et les soucis et les responsabilités en dehors du travail, dont les tâches liées aux soins.
Les membres de la haute direction des entreprises planifiant des transformations à l’échelle de l’entreprise considèrent l’épuisement des employés comme l’un des principaux obstacles à la réussite du changement.
Les gens n’ont qu’une capacité limitée à traiter et à s’adapter à plusieurs changements à la fois. Cela rend prioritaire le fait de prendre soin de la santé mentale pour toute entreprise qui cherche à prospérer.
Les évaluations des risques pour la santé mentale sont de plus en plus utilisées pour déterminer quels facteurs sapent la santé mentale des employés. Cette approche aide les entreprises à élaborer des plans stratégiques qui s’attaquent aux causes fondamentales du stress et de l’épuisement professionnel.
BRINK : Avez-vous des conseils sur la façon dont les collègues pourraient mieux se soutenir les uns les autres lorsqu’ils affrontent dans des événements de la vie difficiles tout en travaillant?
MME BYRNE : Les professionnels des RH et les gestionnaires de risques doivent s’attaquer aux causes fondamentales du problème. Ce travail comprend l’évaluation de la mesure dans laquelle tous les niveaux de direction, ou même les clients, pourraient nuire à la santé mentale des employés.
Les problèmes à rechercher comprennent les heures de travail malsaines, l’isolement et une culture de reproches toxique. Les campagnes de lutte contre la stigmatisation, la formation des responsables et les outils de navigation qui évaluent et dirigent les membres vers le bon niveau de soins sont tous importants.
Pensez au bien-être global, comprenant la santé physique, sociale, financière et mentale. Encouragez les employés à utiliser les ressources et les applications pertinentes et de haute qualité en matière de santé et de bien-être à leur disposition. Déterminez les besoins les plus importants de vos employés et assurez-vous que vos solutions numériques ciblent ces problèmes clés. En fin de compte, les personnes doivent se sentir assez en sécurité pour admettre qu’elles ont besoin d’aide, sans crainte d’être ridiculisées ou de subir des représailles.
Chef d’équipe, Services-conseils en santé en milieu de travail – Royaume-Uni, Mercer Marsh Avantages Sociaux
Directeur, Mieux-être, santé et réclamations, Mercer Marsh Avantages Sociaux