À ce jour, l’expérience de l’Afrique face à la pandémie a été moins intense qu’en Asie-Pacifique, en Europe et dans les Amériques. Cependant, les répercussions économiques restent importantes, d’autant plus que les économies tributaires des ressources ont souffert simultanément d’une baisse des prix mondiaux et de l’effondrement de l’activité touristique.
De même, le Moyen-Orient a été confronté à des pressions budgétaires croissantes en raison de la baisse des revenus pétroliers. De nombreux gouvernements de la région sont confrontés à une dette et à des pressions budgétaires particulièrement fortes. Près de la moitié (47 %) des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique ont vu leur cote de risque économique augmenter de plus de 1.
La pandémie et ses répercussions économiques contribuent également à l’augmentation des risques de troubles civils, conséquence de la baisse du niveau de vie et de la réduction des dépenses sociales par les gouvernements. Environ la moitié (52 %) des pays de la région ont vu leur cote de risque de grèves, d’émeutes et de mouvements populaires augmenter de janvier à juillet 2020.
Nous fournissons des mises à jour sur les risques politiques et économiques dans certaines des économies les plus importantes de la région. C’est en Afrique du Sud, où les mesures de confinement ont été rapidement mises en place, qu’on retrouve la plupart des cas en Afrique subsaharienne, ce qui accentue la dette et le contexte économique déjà fragile.
En dépit des prévisions à l’effet que le gouvernement égyptien se maintienne au pouvoir, les perspectives économiques sont difficiles, compte tenu de la baisse des revenus du tourisme, des revenus du canal de Suez et des transferts d’argent. Le faible rendement du secteur pétrolier pèse sur l’accès aux devises fortes au Nigéria.
La cote de risque économique de l’Égypte est passée de 4,7 à 5,4 de janvier à juillet 2020 (voir la figure 1). La COVID-19 a paralysé l’activité dans des secteurs essentiels à l’économie. Les répercussions de la baisse de la demande touristique et des revenus du canal de Suez, ainsi que la baisse des transferts d’argent entraîneront une forte décélération de la croissance en 2020.
La croissance du PIB devrait ralentir à 2,5 % au cours de l’exercice 2019-2020 et de 3 %, au cours de l’exercice 2020-2021, ce qui représente une décélération marquée par rapport au taux de croissance de 5,6 % enregistré en 2018-2019.
Comme dans de nombreux marchés émergents, la COVID-19 a entraîné de fortes sorties de fonds de l’Égypte au premier semestre de 2020, augmentant le risque de liquidité. Au plus fort de l’aversion au risque des investisseurs, en mars et en avril 2020, les sorties de fonds en provenance de l’Égypte ont atteint 16 milliards de dollars US.
La combinaison des sorties de fonds et d’une activité économique fortement réduite a exercé une pression importante sur la balance des paiements au premier semestre 2020. Toutefois, en tant qu’importateur net de pétrole, l’Égypte profitera de la baisse des prix de l’énergie, ce qui favorisera la balance des paiements du pays au second semestre de 2020.
Les réserves de change de l’Égypte sont probablement suffisantes pour éviter la mise en place de contrôles des capitaux ou des ventes massives de livres égyptiennes en 2020. Les réserves étrangères sont suffisantes pour couvrir l’importation des produits pendant 6,3 mois, comparativement à 5,9 mois en 2019. Par conséquent, la cote de risque lié au blocage des changes et au transfert a augmenté modérément, passant de 5,1 à 5,2. L’Égypte bénéficie également d’un prêt de 5,2 milliards de dollars US en vertu d’un accord de confirmation de 12 mois conclu avec le FMI en juin.
En mai, l’Égypte a amassé 5 milliards de dollars US sous la forme d’euro-obligations, augmentant ainsi les réserves de devises étrangères à 38,2 milliards de dollars US à la fin de juin 2020, comparativement à 36 milliards de dollars US à la fin de mai.
Égypte
La cote de risque de l’Égypte relative aux grèves, aux émeutes et aux mouvements populaires est passée de 5,3 à 5,8. Il s’agissait de la huitième plus importante augmentation de cote au cours des six derniers mois dans les 197 pays cotés par World Risk Review.
Ce risque accru est en grande partie attribuable aux manifestations sporadiques des professionnels de la santé et des activistes qui dénoncent la gestion de la pandémie par le gouvernement. Les hôpitaux publics en Égypte ont été submergés en raison du taux d’infections par la COVID-19.
Un nombre disproportionné de décès dus à la COVID-19 a été observé parmi les professionnels de la santé, ce qui continuera de provoquer de petites manifestations sporadiques tout au long de la pandémie. Cependant, le président Abdel Fattah al-Sissi a le pouvoir bien en main, et les autorités devraient être en mesure de gérer les risques de manifestation.
Nigéria
La cote de risque économique du Nigéria est passée de 5,3 à 6,3 de janvier à juillet 2020 (voir la figure 2). La faiblesse des prix du pétrole s’ajoutera aux répercussions économiques de la COVID-19 sur le pays. Le PIB réel devrait se contracter de 3,5 %.
L’affaiblissement de la demande mondiale de pétrole et la baisse de la production pétrolière du pays pèseront lourdement sur la position extérieure du Nigéria, car le pétrole représente plus de 90 % des exportations totales de biens et services du pays. L’effondrement des prix mondiaux du pétrole au premier trimestre de 2020 a nettement fait reculer la valeur des exportations du Nigéria, qui ont chuté de 19 %. En 2020, on prévoit une chute de la valeur des exportations de pétrole du Nigéria de 26,5 milliards de dollars US.
Au cours des sept derniers mois, la cote de risque du pays lié au blocage des changes et au transfert a augmenté de 0,4, passant de 6,4 à 6,8. Les sorties de fonds du portefeuille et la diminution des recettes à l’exportation ont exercé une pression importante sur le naira en 2020, ce qui a amené la banque centrale à réduire son taux de change $ US officiel de 15 % en mars.
Les pénuries de devises fortes devraient persister tout au long de 2020 puisque les recettes en devises demeurent limitées et l’assouplissement des mesures de confinement permettra de libérer la demande d’importations refoulée. Comme les réserves de change semblent demeurer sous pression d’ici la fin de 2020, d’autres contrôles du capital pourraient être instaurés.
Le risque d’agitation sociale est susceptible d’augmenter en raison de la détérioration de la situation économique, car le gouvernement pourrait être contraint de réduire les dépenses. Le gouvernement a reçu la permission d’augmenter les emprunts de 22,8 milliards de dollars US, mais la faiblesse de la situation budgétaire et le niveau d’endettement réduiront ses chances d’obtenir du financement sur les marchés des capitaux.
En même temps, en juillet, le ministre des Finances, Zainab Ahmed, a affirmé que le gouvernement n’avait atteint que 56 % de son objectif de perception des recettes au cours des cinq premiers mois de l’année. L’aide financière d’urgence de 3,4 milliards de dollars US accordée par le FMI fournira un certain soutien, mais compte tenu de la pression sur les sources de revenus et le financement, il est peu probable que le gouvernement parvienne à mettre en place des mesures de stimulation budgétaires ou puisse maintenir les dépenses aux niveaux actuels.
Toute réduction des dépenses sociales est susceptible de provoquer des troubles civils, et la cote du risque de grèves, d’émeutes et de mouvements populaires du pays a déjà augmenté de 6,7 à 6,8. Un certain nombre d’émeutes violentes ont déjà été rapportées en réaction aux mesures de confinement imposées par le gouvernement.
Au Nigéria, le contexte d’investissement difficile aggravera les répercussions de la COVID-19. La réforme réglementaire tant attendue du secteur pétrolier et gazier semble avoir peu de chance d’être approuvée à court terme, ce qui décourage des investissements dont le pays a tant besoin. En même temps, pour réduire la demande de devises fortes, le Nigéria a adopté une position protectionniste à l’égard du commerce régional, restreignant certaines importations depuis 2019. En juillet 2020, la banque centrale a restreint l’accès aux devises étrangères pour les importations de maïs.
Afrique du Sud
Avant la COVID-19, l’Afrique du Sud était déjà aux prises avec un certain nombre de déséquilibres structurels sur le plan économique. Les retombées de la pandémie aggraveront ces défis. Le PIB de l’Afrique du Sud devrait se contracter de 7,1 % en 2020, la pandémie pesant lourdement sur la consommation et l’activité dans les principaux secteurs manufacturiers et miniers.
La cote de risque économique de l’Afrique du Sud a augmenté de 0,9, passant de 4,8 à 5,7 au cours des sept premiers mois de 2020 (voir la figure 3).
La forte baisse des revenus du commerce et du tourisme et l’augmentation des dépenses liées à la COVID-19 exerceront une pression sur des finances publiques déjà fragiles. Le déficit budgétaire devrait atteindre 15,6% du PIB au cours de l’exercice 2020. Cela se traduira par une augmentation de 19 % du fardeau des dettes gouvernementales, qui passera à 89,9 % du PIB d’ici la fin de l’année.
Ces perspectives ont contribué à l’augmentation de la cote du risque de crédit souverain de 4,7 à 5,1 entre janvier et juillet 2020. La montée des risques de crédit souverain découle également de la vulnérabilité des sociétés d’État en difficulté de l’Afrique du Sud. Les sociétés d’État ont une charge de crédit combinée de 1,6 milliard de rands, dont un montant de 670 milliards de rands est garanti par le gouvernement en cas de défaut de paiement.
En raison du resserrement des conditions de crédit, de nombreuses sociétés d’État auront besoin d’une aide financière gouvernementale au cours des prochaines années. Cela pèsera sur les finances publiques et ralentira encore plus la croissance à l’approche de 2021 et en 2022.
La dégradation de la situation économique a également suscité quelques craintes parmi les investisseurs internationaux. Le rand sud-africain a été l’une des devises des marchés émergents les moins performantes jusqu’à présent. Elle a perdu 19,5 % de sa valeur par rapport au dollar américain au cours du premier semestre de 2020, ce qui a entraîné une augmentation de la cote des risques liés au blocage des changes et au transfert 3,7 à 4.
Au premier semestre de 2020, les ventes de titres de portefeuille libellés en rands par des non-résidents ont totalisé environ 7 milliards de dollars américains nets, soit 2,5 % du PIB de 2020. Au deuxième semestre, on pourrait assister à une reprise de l’activité et au dopage des prix des marchandises, si la pandémie est maîtrisée. Cela permettrait au cours de change du rand de se renforcer, passant à environ 15,75 rands par rapport au dollar américain en 2020.
À propos du présent rapport
La présente mise à jour de la carte des risques politiques 2020 repose sur les données de la plateforme World Risk Review de Services spécialisés de Marsh JLT. Notre plateforme d’évaluation du risque-pays exclusive fournit, pour 197 pays, des cotes pour neuf risques assurables, couvrant les conditions de sécurité, de négociation et d’investissement. Les cotes de risque sont mises à jour une fois par mois et sont établies selon une échelle de 0.1 à 10. La cote 10 représente le risque le plus élevé, et la cote 0,1 le risque le plus faible.
Toutes les cotes de risque mentionnées dans le présent rapport ont été produites à partir de la plateforme World Risk Review de Services spécialisés de Marsh JLT. La cote de risque économique d’un pays est un indicateur de la propension au rajustement économique, y compris d’une dépréciation marquée, de l’inflation élevée et de l’augmentation du taux de défaillance du crédit des entreprises nationales. L’indice du risque économique par pays évalue le risque d’instabilité économique et ses effets potentiels sur les entreprises qui exercent leurs activités dans le pays ou le territoire.