Alors que la région a été la première touchée par la COVID-19, de nombreux pays d’Asie-Pacifique ont vu leur cote de risque économique augmenter fortement au début de l’année. Près des deux tiers (64 %) des pays cotés sur la plateforme World Risk Review (WRR) de Services spécialisés de Marsh JLT ont vu leur cote de risque économique augmenter de plus de 1 entre janvier et juillet 2020. Au cours de la même période en 2019, aucun pays n’a connu une hausse de cette ampleur. Seulement 23 % des pays ont affiché un risque économique accru.
Alors que des États tels que la Chine, la Corée du Sud et le Vietnam ont reçu des éloges pour leur gestion nationale de la COVID-19, d’autres ont eu du mal à la maîtriser. Malgré un confinement précoce, les cas en Inde continuent d’augmenter, ce qui contribue à l’une des plus importantes augmentations du risque économique dans la région.
Nous présentons ci-dessous une mise à jour des plus grandes économies de la région, la Chine et l’Inde, ainsi que le Vietnam, un pays qui pourrait bénéficier à long terme des efforts probables d’autres pays pour réduire leur dépendance au secteur manufacturier chinois.
Chine
Après avoir endigué de façon très efficace la propagation de la COVID-19 à l’intérieur du pays, le président Xi Jinping semble maintenir sa position d’autorité malgré la pandémie. Sa position devrait rester assez solide, à condition que le gouvernement puisse assurer une reprise économique et prévenir ou minimiser une deuxième vague.
La COVID-19 a considérablement affaibli le rendement économique de la Chine au premier trimestre de 2020. Son PIB réel s’est contracté à 6,8 % par rapport à l’année dernière, alors que les mesures de confinement à l’échelle du pays ont considérablement touché les secteurs secondaire et tertiaire. En raison de ces difficultés, la cote de risque économique de la Chine a augmenté de 0,6, passant de 3,6 à 4,2, entre janvier et juillet 2020 (voir la figure 1).
Cependant, la Chine émerge de la pandémie de la COVID-19 et la demande intérieure se rétablit. En juin 2020, les bénéfices du secteur industriel ont augmenté de 11,5 % par rapport à l’année dernière, la croissance des profits la plus rapide depuis mars 2019.
La croissance annuelle du PIB de la Chine est estimée à 1,6 % en 2020. On prévoit un rebond en 2021, à 7,4 %, mais la croissance sera inégale d’un secteur à l’autre alors que les mesures de confinement demeurent en place et que le panorama du commerce international demeure complexe.
La COVID-19 n’a pas modifié la tendance à long terme de l’intensification des tensions militaires, politiques et économiques entre la Chine et les États-Unis. En effet, les relations semblent se détériorer à un rythme accéléré, ce qui sera la tendance dominante des affaires étrangères chinoises pour le reste de 2020.
Hong Kong, la mer de Chine méridionale, Taïwan et la concurrence technologique sont les points sensibles qui caractérisent les relations entre les deux pays. Par exemple, le 27 mai 2020, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a annoncé que les États-Unis considéraient que Hong Kong n’était plus indépendant de la Chine, vu l’application par la Chine de la nouvelle loi sur la sécurité nationale au nom de Hong Kong.
Les États-Unis ont par la suite mis en place la Hong Kong Autonomy Act (HKAA), qui impose des sanctions aux banques qui font affaire avec des fonctionnaires chinois qui violent la constitution de Hong Kong. En juillet 2020, les États-Unis ont également imposé aux hauts fonctionnaires chinois des sanctions pour leur rôle dans une prétendue violation des droits de la personne au Xinjiang, et ont déclaré une activité chinoise illégale dans la mer de Chine méridionale.
L’escalade des mesures adoptées par les deux parties augmentera le risque que l’accord commercial (phase 1) conclu en janvier 2020 soit révoqué en partie ou en totalité. Les relations extérieures avec les autres économies occidentales pourraient également être tendues en 2020, alors que les États choisissent de plus en plus leur camp dans les confrontations sino-américaines. La réputation internationale de la Chine a également été minée par la pandémie dans certains milieux, plusieurs d’entre eux privilégiant les relations avec les États-Unis, particulièrement en ce qui concerne la technologie.
En juillet 2020, le Royaume-Uni a annoncé l’interdiction d’utiliser la technologie Huawei dans les réseaux mobiles 5G. D’autres pays pourraient encore emboîter le pas. Par exemple, on s’attend à ce que l’Allemagne prenne une décision quant à l’utilisation continue de la technologie Huawei à l’automne.
Inde
Malgré la mise en place d’un confinement à l’échelle nationale en mars 2020, l’Inde est l’un des pays les plus touchés par la COVID-19. Le confinement précoce de l’Inde a paralysé des pans entiers de l’économie. Même si les mesures ont été assouplies, l’économie indienne subira une forte contraction au cours des 12 prochains mois, particulièrement dans le secteur des services, où la demande intérieure et extérieure s’est effondrée. Le secteur des services, qui représentait 54 % du PIB en 2018-2019, est le principal moteur de la croissance économique de l’Inde. Le PIB du pays devrait se contracter de 4,5 % en 2020-2021.
Les répercussions économiques seront plus importantes si la pandémie n’est pas maîtrisée au deuxième semestre de 2020. Par conséquent, la cote de risque économique de l’Inde a augmenté de 1,4, passant de 3,5 à 4,9 au cours des sept premiers mois de 2020 (voir la figure 2).
La stabilité politique de l’Inde devrait toutefois se maintenir en 2020. Le premier ministre Narendra Modi occupe une position sûre, qui lui procure le soutien nécessaire pour faire adopter la loi.
Son mandat ne devrait pas être affaibli de façon significative par la COVID-19, étant donné que les gouvernements d’État sont principalement responsables de la gestion de la santé publique. Néanmoins, cela augmente la probabilité de conflits entre l’État et le gouvernement central.
Les risques liés au blocage des changes et au transfert ont augmenté de façon constante en Inde depuis le début de 2020, sa cote de risque étant passée de 3,9 à 4,2 de juillet 2019 à juillet 2020. Le taux de change (INR/US) s’est déprécié de 7 % depuis janvier 2020, à cause d’une aversion pour le risque lié aux marchés émergents.
Des sorties de capitaux sans précédent provenant de l’Inde ont été enregistrées pendant la pandémie. De mars à avril, l’Inde se situait au troisième rang sur les marchés asiatiques au chapitre des sorties de capitaux : les sorties de capitaux attribuables aux investisseurs institutionnels étrangers (FII) ont totalisé 17 milliards de dollars US (dette et capitaux propres). Voilà qui dépasse les sorties de capitaux attribuables aux FII pour 2019 au complet (11 milliards de dollars US). La roupie indienne continuera de fléchir au cours des trois prochains mois et se maintient à 77,0 roupies pour un dollar US en 2020, contre 73,0 roupies pour un dollar US en 2019.
Les relations extérieures avec la Chine seront probablement difficiles pour le reste de l’année 2020, à la suite d’une escalade de violence en juin aux frontières entre les deux comtés. Les affrontements ont causé la mort de 20 militaires indiens et ont entraîné une augmentation de la cote de risque, de 4,6 à 4,7.
Après la confrontation, sans pointer directement la Chine, l’Inde a banni 59 applications mobiles principalement chinoises, invoquant des problèmes de sécurité intérieure. La rivalité géopolitique dans la région indopacifique risque de se maintenir entre les deux pays au cours des prochaines années, faisant en sorte que les risques de conflits entre les États demeurent modérément élevés.
Vietnam
La COVID-19 risque peu d’affaiblir de façon importante la stabilité politique du Vietnam en 2020. Le gouvernement a été louangé par la communauté internationale pour sa gestion de la pandémie, enregistrant un nombre relativement faible de cas et de décès. Le pays n’a pas perdu de temps avant d’imposer des mesures de restriction des déplacements, la fermeture des écoles et le suivi des contacts.
Outre l’absence d’une opposition politique efficace, cette réussite est susceptible de renforcer la position du Parti communiste du Vietnam. Même si on s’attend à ce que le Vietnam change de dirigeant au congrès du parti de 2021, tout nouveau dirigeant devra maintenir les politiques favorables aux entreprises et réformistes du pays.
L’économie vietnamienne continuera de subir les effets négatifs de la faiblesse de la demande extérieure des principaux partenaires commerciaux, conséquence de la pandémie. L’économie du Vietnam dépend grandement de la fabrication de biens d’exportation, et la perturbation de la chaîne d’approvisionnement et l’effondrement de la demande des consommateurs pèseront sur le secteur.
La croissance du PIB réel devrait ralentir à 1 % en 2020. Au deuxième trimestre de 2020, le pays a affiché un taux de croissance estimé de 0,4 % sur 12 mois, le plus faible depuis 2000. En raison de cette dynamique, la cote de risque économique du Vietnam a augmenté de 3,3 à 4,1 de janvier à juillet 2020 (voir la figure 3).
Toutefois, à long terme, l’économie du Vietnam profitera probablement des répercussions de la COVID-19 sur la dynamique commerciale mondiale. De nombreux fabricants sont censés redoubler d’efforts pour réduire leur dépendance au secteur manufacturier chinois, ce qui représente des occasions pour le Vietnam. Le pays devrait également tirer parti de l’accord de libre-échange entre les États-Unis et le Vietnam, qui prendra effet en août 2020.
Le principal défi pour le Vietnam sera de gérer les goulots d’étranglement que la demande accrue entraînera dans un système d’infrastructure vieillissant. Les coûts de logistique sont élevés au Vietnam, étant donné le manque de services intégrés et d’automatisation.
Malgré une légère augmentation de sa cote WRR à ce jour (de 3,4 à 3,7), le risque d’expropriation ou de nationalisation des investissements étrangers au Vietnam demeurera gérable, ce qui traduit la volonté du gouvernement d’attirer des investissements. L’investissement dans le secteur de l’énergie et des énergies renouvelables est considéré par le gouvernement comme essentiel pour propulser le secteur manufacturier, qui représente 17 % du PIB.
En juin 2020, l’Assemblée nationale a ratifié une nouvelle loi sur les partenariats publics-privés, la première du genre au pays. La législation devrait fournir une plus grande confiance aux investisseurs en infrastructure, ce qui permettra l’établissement de partenariats publics-privés dans différents domaines : le transport, les réseaux et les centrales électriques, l’irrigation, l’approvisionnement en eau, les infrastructures des technologies de l’information, le traitement des déchets, la santé et l’éducation.
À propos du présent rapport
La présente mise à jour de la carte des risques politiques 2020 repose sur les données de la plateforme World Risk Review de Services spécialisés de Marsh JLT. Notre plateforme d’évaluation du risque-pays exclusive fournit, pour 197 pays, des cotes pour neuf risques assurables, couvrant les conditions de sécurité, de négociation et d’investissement. Les cotes de risque sont mises à jour une fois par mois et sont établies selon une échelle de 0.1 à 10. La cote 10 représente le risque le plus élevé, et la cote 0,1 le risque le plus faible.
Toutes les cotes de risque mentionnées dans le présent rapport ont été produites à partir de la plateforme World Risk Review de Services spécialisés de Marsh JLT. La cote de risque économique d’un pays est un indicateur de la propension au rajustement économique, y compris d’une dépréciation marquée, de l’inflation élevée et de l’augmentation du taux de défaillance du crédit des entreprises nationales. L’indice du risque économique par pays évalue le risque d’instabilité économique et ses effets potentiels sur les entreprises qui exercent leurs activités dans le pays ou le territoire.