Plus de la moitié des pays des Amériques ont vu leur cote de risque économique augmenter de plus de 1 entre janvier et juillet 2020. Les mesures de confinement de la pandémie ont paralysé l’activité économique de nombreux États, tandis que certains ont dû composer avec l’effondrement des revenus du tourisme (Jamaïque, Bahamas et Barbade), ou la faiblesse des prix des produits de base à l’échelle mondiale (Chili).
Les pays mentionnés ci-dessous reflètent les différentes approches adoptées dans la région pour contrer la pandémie. Au Brésil, la dynamique politique dominée par l’approche de laisser-faire du président Jair Bolsonaro face au virus a contribué à son isolement politique.
Au Mexique, le gouvernement fédéral est allé à l’encontre de la tendance mondiale de mesures de relance importantes, plaidant plutôt en faveur de l’austérité. Enfin, la pandémie a compliqué le contexte politique du Chili. Les mesures de confinement ont freiné les manifestations, mais le référendum sur la constitution prévu en octobre risque de ramener l’instabilité.
Brésil
Le contexte politique du Brésil en 2020 sera caractérisé par la gestion de la COVID-19 par le président Jair Bolsonaro. Le pays a connu le deuxième plus grand nombre de nouveaux cas de COVID-19 et de décès signalés dans le monde entier au cours des six premiers mois de 2020. Il est confronté à des perspectives économiques difficiles, vu la crise sanitaire publique et la dynamique politique qui ne laissent entrevoir aucune reprise économique avant 2021.
La courbe des cas de COVID-19 au Brésil indique que le plus fort de la crise sanitaire est à venir, ce qui compromettra la reprise de l’activité économique au deuxième semestre de 2020. M. Bolsonaro a été critiqué pour la gestion de la pandémie par son gouvernement, ce qui a mené au départ de plusieurs alliés politiques. Isolé sur le plan politique, M. Bolsonaro aura du mal à parvenir à un consensus avec le Congrès brésilien, réduisant ainsi les chances du gouvernement de faire adopter une politique de réforme fiscale cette année.
Les risques d’expropriation devraient demeurer faibles, compte tenu de l’engagement idéologique du gouvernement en faveur de la privatisation. Cependant, les désinvestissements seront probablement retardés par la pandémie.
La cote de risque économique du Brésil est passée de 4,4 à 5,4 au cours des sept premiers mois de 2020 (voir la figure 1). Le PIB s’est contracté de 1,5 % au premier trimestre de 2020. Mais la gravité de la crise s’est fait ressentir au deuxième trimestre : la production industrielle a perdu 18 % en avril, après une baisse de 9 % en mars.
Le niveau de confiance des entreprises et des consommateurs a chuté en dessous des niveaux observés pendant la récession économique de 2015-16. L’aversion au risque sur les marchés financiers mondiaux a pesé sur le réal brésilien, qui s’est déprécié de 33 % par rapport au dollar américain depuis le début de 2020.
Au cours des six prochains mois, la devise continuera de tirer de l’arrière, car la faiblesse de la situation extérieure pèse sur la demande d’exportation et l’investissement. La cote de risque lié au blocage des changes et au transfert du Brésil a augmenté de 4 à 4,4 de janvier à juillet 2020.
Le PIB annuel du pays devrait se contracter de 5,2 % en raison de la grande perturbation de la production et de la consommation en 2020. La baisse des revenus et un important programme de relance budgétaire affaiblira les finances du gouvernement, alors que le déficit budgétaire dépassera le PIB de 10 % et que l’augmentation de l’endettement du gouvernement atteindra près de 90 % du PIB, comparativement à 76 % du PIB en 2019.
Sur le plan extérieur, le Brésil est confronté à une récession mondiale, à la faiblesse des prix des produits de base et au resserrement des conditions de crédit. Néanmoins, les risques externes du Brésil demeurent limités en raison d’une bonne position de réserve internationale de plus de 350 milliards de dollars US (environ 20 mois de couverture des importations), ce qui garantit suffisamment de liquidités pour résister aux chocs financiers externes.
Chili
La cote de risque du Chili relative aux grèves, aux émeutes et à l’agitation civile a augmenté de 0,5, passant de 6,1 à 6,6 au cours des sept premiers mois de l’année. Il s’agit du pays ayant connu la plus forte augmentation de tous les pays cotés.
À la suite de l’agitation du quatrième trimestre de 2019, des mesures de confinement ont précipité de violentes manifestations dans les quartiers à faible revenu de Santiago, en raison de la pénurie de biens de base. En mai 2020, les manifestants ont érigé des barrages dans les quartiers de Lo Prado, La Pintana, Maipú et Ñunoa. Trois incendies criminels ciblant le transport en commun ont eu lieu dans les quartiers de Santiago de Villa Francia et de la Pincoya.
D’autres manifestations antigouvernementales et des affrontements avec la police sont à prévoir dans les prochains mois, alors que les couvre-feux de COVID-19 sont assouplis. Plusieurs facteurs socioéconomiques de l’agitation de 2019 ne sont toujours pas résolus, et la pandémie risque d’augmenter la pression pour l’adoption de réformes sociales, vu les faiblesses du système de santé et l’augmentation du taux de chômage.
Le Chili doit tenir un référendum constitutionnel le 25 octobre 2020, ce qui risque de déclencher des manifestations. Les manifestations dégénèrent souvent en affrontements violents qui augmentent le risque de pillage de supermarchés et de magasins.
Toutefois, compte tenu des préoccupations liées à la distanciation physique, il est peu probable que des manifestations antigouvernementales reçoivent l’appui soutenu qui a caractérisé l’agitation sociale au Chili au cours du quatrième trimestre de 2019.
La cote de risque économique du Chili a augmenté de 1,6, passant de 2,9 à 4,5 au cours des sept premiers mois de 2020 (voir la figure 2). Il s’agissait de la plus importante augmentation en Amérique latine. Les perturbations liées à la COVID-19 dans les secteurs clés, comme les secteurs miniers et du tourisme, causeront la contraction du PIB de 4,6 % en 2020, avant un rebond en 2021.
Le président Sebastián Piñera a annoncé en juin 2020 des mesures de stimulation budgétaires échelonnées sur trois mois, qui devraient représenter 10,2 % du PIB (ou 28,8 milliards de dollars US). Le Chili financera en partie les dépenses supplémentaires par l’émission de nouveaux titres d’emprunt, qui devraient doubler, passant d’environ 20 % du PIB en 2019 à 40 % du PIB en 2021.
Cependant, le Chili bénéficie de coûts d’emprunt relativement faibles sur les marchés des capitaux, faisant en sorte que son risque de crédit souverain n’a augmenté que modérément de 2,4 à 2,6 à ce jour en 2020.
La dépendance structurelle aux produits de base du Chili nuira à une reprise rapide. Le cuivre continue de représenter près de 50 % de ses exportations. À la suite d’une flambée de COVID-19 dans le Nord minier du Chili, une société minière détenue par l’État a suspendu la construction à plusieurs de ses installations en juin 2020, tout comme plusieurs sociétés minières du secteur privé. En août 2020, l’entreprise a annoncé les premières phases de la reprise de ces projets alors que le pays commence à assouplir les mesures de confinement dans certaines communautés.
La pandémie pesait sur les exportations du Chili au premier semestre de 2020, ce qui creusera le déficit de compte courant à environ 3,4 % du PIB d’ici la fin de 2020. Toutefois, l’important stock de réserves internationales du Chili et la demande accrue de cuivre de la Chine devraient diminuer la pression sur la balance des paiements au second semestre 2020.
Le Chili doit organiser un référendum sur les changements constitutionnels en octobre 2020, ce qui engendre une certaine incertitude quant aux conditions d’exploitation et au cadre juridique favorables aux entreprises du pays. Le référendum fait suite aux troubles civils de 2019, qui ont mis un accent renouvelé sur les politiques sociales plutôt que sur les réformes favorables aux entreprises.
Le référendum permettra aux électeurs de décider si le pays doit se doter d’une nouvelle constitution et qui devrait la rédiger. Si les citoyens décident d’aller de l’avant avec une nouvelle constitution, celle-ci n’entrera pas en vigueur avant au moins 2022.
Mexique
L’économie mexicaine a souffert du triple choc du COVID-19, de la faiblesse des prix mondiaux du pétrole et de l’effondrement de la demande des consommateurs américains en 2020. La cote de risque économique du Mexique est passée de 3,8 à 4,6 au cours des sept premiers mois de l’année (voir la figure 3).
Au cours du premier trimestre de 2020, le PIB a baissé de 1,6 %. Sur toute l’année, le PIB devrait se contracter jusqu’à 8,8 %, mais pourrait très bien se contracter encore plus. La relation commerciale du Mexique avec les États-Unis est cruciale au maintien de la solidité économique générale du pays. Le Mexique est le principal partenaire commercial des États-Unis et vice-versa. Le commerce bilatéral a atteint un record de 614,5 milliards de dollars US en 2019.
En 2020, la fermeture d’usines reliant les chaînes de valeur entre le Mexique, les États-Unis et le Canada en raison de la COVID-19 aura un effet négatif sur la production et sur les exportations dans des secteurs clés comme la construction automobile et la fabrication de produits électroniques.
Au premier trimestre de 2020, la production industrielle a subi une contraction de 3,2 % sur 12 mois. Au plus fort de la crise de la COVID-19 au Mexique, en mars et en avril, les exportations ont chuté d’environ 20 milliards de dollars US à 12,5 milliards de dollars US.
Contrairement à de nombreux gouvernements à l’échelle mondiale, le gouvernement fédéral n’a pas proposé d’important programme de relance budgétaire en réponse à l’incidence économique de la COVID-19, plaidant plutôt en faveur de l’austérité. Le gouvernement fédéral a rejeté des propositions visant à fournir une aide supplémentaire, y compris une réduction temporaire de la TVA. L’absence de soutien gouvernemental pourrait être un autre choc pour l’économie mexicaine et risque de prolonger le ralentissement économique.
Toutefois, l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) devrait présenter un potentiel de hausse pour l’économie du Mexique au cours des prochaines années. En vigueur depuis le 1er juillet 2020, l’ACEUM, qui a remplacé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), apportera une certitude aux accords commerciaux régionaux du Mexique vers la fin de 2020.
Toutefois, l’AEUMC contient des dispositions de temporarisation, en vertu desquelles les comités mixtes doivent revoir ses modalités tous les six ans. Cela pourrait générer de nouvelles périodes d’incertitude commerciale à long terme.
Le gouvernement fédéral montre peu de volonté à abandonner les politiques défavorables aux entreprises, et le cadre décisionnel demeurera imprévisible pour le reste de 2020. Au cours des derniers mois, le gouvernement a adopté une position particulièrement active dans les secteurs des hydrocarbures et de l’énergie, alors que le gouvernement fédéral cherche à promouvoir l’indépendance énergétique par rapport aux investisseurs étrangers.
Le gouvernement fédéral vise à renforcer le rôle de l’État dans le secteur, tout en réduisant le rôle de l’investissement privé, qui s’est accru depuis les réformes énergétiques historiques du Mexique en 2014. Une directive d’avril 2020 a empêché plusieurs centrales d’énergie renouvelable de se raccorder au réseau électrique public, affirmant qu’elles ne contribuaient pas suffisamment aux coûts de transport. Par conséquent, la cote de risque juridique et réglementaire du Mexique est passée de 5 à 5,2 entre janvier et juillet 2020.
À propos du présent rapport
La présente mise à jour de la carte des risques politiques 2020 repose sur les données de la plateforme World Risk Review de Services spécialisés de Marsh JLT. Notre plateforme d’évaluation du risque-pays exclusive fournit, pour 197 pays, des cotes pour neuf risques assurables, couvrant les conditions de sécurité, de négociation et d’investissement. Les cotes de risque sont mises à jour une fois par mois et sont établies selon une échelle de 0.1 à 10. La cote 10 représente le risque le plus élevé, et la cote 0,1 le risque le plus faible.
Toutes les cotes de risque mentionnées dans le présent rapport ont été produites à partir de la plateforme World Risk Review de Services spécialisés de Marsh JLT. La cote de risque économique d’un pays est un indicateur de la propension au rajustement économique, y compris d’une dépréciation marquée, de l’inflation élevée et de l’augmentation du taux de défaillance du crédit des entreprises nationales. L’indice du risque économique par pays évalue le risque d’instabilité économique et ses effets potentiels sur les entreprises qui exercent leurs activités dans le pays ou le territoire.