Par Michael Watson ,
Associé, chef des finances et des projets et chef du conseil consultatif sur les changements climatiques, Pinsent Masons LLP
09/23/2021
Les fonds d’infrastructure avaient amassé plus de 61,3 milliards de dollars américains pour des infrastructures opérationnelles et de nouvelles constructions à la clôture finale au cours des six premiers mois de 2021, près des deux tiers des fonds clôturant au-dessus de leur taille cible initiale1. Près de 75 % (45,6 milliards de dollars américains) étaient des capitaux propres et 8,7 milliards de dollars américains étaient des dettes. Au total, 39 % des engagements des commanditaires provenaient de caisses de retraite publiques, 15 % de compagnies d’assurance et 11 % de gestionnaires d’actifs. Sur le plan géographique, 18 % des capitaux amassés étaient uniquement destinés à l’Amérique du Nord, 17 % à l’Europe et 8 % à l’Asie-Pacifique. Le reste visait plusieurs régions ou était axé sur le monde entier.
Les grandes entreprises de construction et les promoteurs allouent généralement des capitaux propres importants aux infrastructures, en utilisant leurs propres bilans d’entreprise. Les capitaux propres sont utilisés pour le développement de nouveaux actifs d’infrastructure. De plus, les gestionnaires de caisses de retraite et de fonds souverains investissent directement dans ces fonds.
Nombre d’engagements de commanditaires par type d’investisseur – clôture finale au premier semestre de 2021
La levée de fonds pour les fonds à capital fixe non cotés au cours du premier semestre de 2021 a été dominée par une forte augmentation des stratégies dédiées aux énergies renouvelables, comptant pour environ un tiers (19 milliards de dollars américains) du total amassé. À titre de comparaison, les fonds dédiés aux énergies renouvelables ne représentaient qu’un milliard de dollars américains pour la même période en 20202.
Cette augmentation s’est faite au détriment des stratégies ciblant à la fois les énergies « traditionnelles » et les énergies « renouvelables », qui se sont élevées à 1,1 milliard de dollars américains au cours des six premiers mois de cette année, comparativement à 14,7 milliards de dollars au premier semestre de 2020.
Cibles géographiques des capitaux levés – clôture finale au premier semestre de 2021
L’investissement vert est un thème central parmi les fonds actuellement en mode de levée de fonds, les termes « vert », « propre », « durabilité » « transition énergétique » apparaissant de plus en plus dans les noms des fonds, selon l’analyse d’IJ Finance3. Ces fonds ne s’intéressent pas seulement au secteur de l’électricité, mais aussi à l’efficacité énergétique et à la décarbonisation d’autres sous-secteurs des infrastructures, comme la transmission, les transports propres et les infrastructures numériques.
Des recherches menées dans le domaine des investissements dans les énergies propres par le cabinet de conseil bfinance44 ont révélé que si 47 fonds pour les énergies renouvelables sont actuellement sur le marché, 15 autres se consacrent aux investissements dans la transition énergétique.
Ces chiffres confirment la conviction que les énergies renouvelables et les infrastructures numériques sont deux des secteurs de croissance les plus prometteurs et les plus résilients dans un environnement post-pandémique. Infrastructure Investor a établi que les cinq premiers fonds qui ont été clôturés au cours du premier semestre de 2021 étaient des instruments spécialisés, axés soit sur des secteurs tels que les énergies renouvelables ou les infrastructures numériques, soit sur des régions, notamment l’Europe et l’Asie-Pacifique. Cela ne devrait pas être une surprise, étant donné les promesses de carboneutralité et les plans gouvernementaux visant à « reconstruire en mieux ».
McKinsey estime que la transition énergétique nécessitera entre 3 et 5 billions de dollars américains par an en dépenses en immobilisations d’ici 2030, soit un total bien supérieur aux capitaux investis à l’heure actuelle.
Sur les marchés privés, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ont désormais atteint un moment décisif selon McKinsey5, devenant cruciaux pour diverses parties prenantes, notamment les organismes de réglementation, les commanditaires, les consommateurs et les employés.
Les capitaux affluant vers des stratégies d’investissement liées aux critères ESG ont connu une croissance sans précédent en 2020 : près de 400 milliards de dollars américains de capitaux privés cumulés axés sur les critères ESG ont été amassés de 2015 à 2020, dont plus d’un quart (environ 100 milliards de dollars américains) pour la seule année 2020.
Les capitaux pour financer les infrastructures qui adhèrent aux critères ESG ont augmenté de 28 %, une grande partie de l’augmentation résultant d’une mobilisation de ces fonds pour les stratégies liées à la durabilité.
Cette tendance devrait se poursuivre, une récente enquête de PGIM6 ayant révélé que 58 % des investisseurs mondiaux intègrent activement les engagements en matière de changements climatiques dans leurs processus d’investissement. Toutefois, ce chiffre cache une certaine disparité géographique, puisque seuls 47 % des investisseurs nord-américains le font, comparativement à plus de 80 % des investisseurs européens.
Pour de nombreux investisseurs, l’attention accrue portée aux critères ESG exigera une courbe d’apprentissage abrupte en ce qui concerne le développement de nouvelles compétences, comme la capacité de trouver, d’organiser, d’analyser et de communiquer des données ESG. Une approche consiste simplement à acheter les analyses : le fournisseur de logiciels et de données ESG Sphera a été acquis par Blackstone pour 1,4 milliard de dollars américains, par exemple.
Jusqu’à récemment, l’absence de normes généralement reconnues en matière de présentation de l’information constituait l’un des principaux obstacles à l’adoption de l’investissement durable par les investisseurs. Toutefois, la consolidation en cours des organismes de normalisation et l’acceptation croissante de cadres de mesure des critères ESG incitent les investisseurs à « se lancer dans l’aventure ».
Les pays développés comme les États-Unis ne sont pas les seuls à offrir des possibilités d’investissement dans les infrastructures. Alors que le programme de dépenses du président Biden vise à mettre les infrastructures au premier plan pour relancer l’économie et moderniser les routes, les ponts et les barrages en mauvais état, la demande d’infrastructures dans des régions comme l’Asie-Pacifique est perçue par certains comme une énorme occasion pour les grands investisseurs institutionnels et les sociétés de financement par capitaux propres.
Selon la Banque asiatique de développement, les pays en développement d’Asie devront investir 26 billions de dollars entre 2016 et 2030, si la région veut maintenir sa dynamique de croissance et faire face aux changements climatiques. Sur le total des investissements ajustés en fonction du climat pour la période 2016-2030, 14,7 billions de dollars américains seront consacrés à l’électricité et 8,4 billions de dollars américains aux transports. Les investissements dans les télécommunications atteindront 2,3 billions de dollars américains, tandis que les coûts liés à l’eau et à l’assainissement s’élèveront à 800 milliards de dollars américains au cours de cette période.
Selon une analyse récente des « actifs non traditionnels » en Asie-Pacifique réalisée par Preqin7, « le marché des investissements non traditionnels en Asie est sur le point de connaître une croissance explosive dans les années à venir, les actifs gérés de capitaux privés étant en passe d’atteindre 6 billions de dollars d’ici 2025. » Preqin ajoute que les capitaux privés jouent un rôle de plus en plus important dans la répartition des actifs à travers l’Asie-Pacifique, avec des actifs gérés de capitaux privés axés sur l’Asie-Pacifique atteignant 1,7 billion de dollars américains en septembre 2020 – une multiplication par six au cours de la dernière décennie.
Parallèlement, les chiffres de Refinitiv indiquent qu’en Chine, à Hong Kong et à Taïwan, environ 41 transactions d’obligations durables d’une valeur de 19 milliards de dollars américains ont été enregistrées au cours des six premiers mois de cette année, comparativement à 23 transactions d’une valeur de 7,6 milliards de dollars américains pour toute l’année 2020.
En plus de l’accent mis sur les énergies renouvelables en Asie-Pacifique, où les services publics devraient être encouragés à développer le plus d’énergies renouvelables possible, les infrastructures entourant la numérisation et les données deviennent de plus en plus importantes dans la région. Il y a 20 ans, des pays comme la Chine et l’Inde n’avaient pas de véritable réseau de téléphonie mobile, mais le déploiement important de la couverture 3G et 4G ces dernières années a entraîné une croissance exponentielle de l’utilisation des données.
À mesure que les économies de la région Asie-Pacifique se développent et que la classe moyenne augmente, nous devrions assister à une hausse de la demande d’actifs comme les tours de téléphonie cellulaire et les centres de données, suivie d’investissements futurs dans les villes intelligentes et la recharge de véhicules électriques.
Bien qu’il y ait des aspects positifs dans le fait que si les gestionnaires dʼactifs comprennent lʼincidence des changements climatiques sur leurs portefeuilles, cela encouragera un environnement bâti durable et soutiendra la volonté de décarbonisation, il reste un défi important à relever en ce qui concerne les actifs échoués.
Lawrence Slade, chef de la direction de la Global Infrastructure Investor Association (GIIA) (association mondiale des investisseurs en infrastructures) a peut-être le mieux résumé la situation plus tôt cette année lorsqu’il a déclaré : « De nombreuses occasions d’investissement découleront de la numérisation accrue, du gaz vert, des véhicules électriques, de l’énergie propre et d’autres domaines d’innovation. Cependant, les entreprises doivent gérer soigneusement ces occasions en parallèle avec les défis posés par les actifs échoués. »
Le rythme du changement continue de s’accélérer, les investisseurs devant combiner des stratégies d’atténuation par rapport à leurs portefeuilles existants et une attention soutenue sur la carboneutralité ou même l’impact net positif en ce qui concerne les nouveaux investissements et la répartition du capital.
1 Rapport Investor Funds Report, premier semestre 2021, IJ Investor, 15 juillet 2021 – Source :
2 Rapport sur les levées de fonds, premier semestre 2021, 27 juillet 2021 – Source : H1 2021 Fundraising Report, Infrastructure Investor, 27th July 2021
3 Rapport Investor Funds Report, premier semestre 2021, IJ Investor, 15 juillet 2021 – Source :
4 Renewable Energy Infrastructure: Lessons from Manager Selection (bfinance.co.uk), March 2021
5 Une année de perturbation sur les marchés privés — McKinsey Global Private Markets Review 2021, McKinsey, April 2021
6 L’approche de l’investissement dans le domaine des changements climatiques place les investisseurs nord-américains à la traîne du reste du monde – Climate change investment approach has North American investors trailing the world, avril 2021
7 Markets in Focus: Alternative Assets in Asia-Pacific 2021, Preqin, 17th June 2021
8 Investir dans les infrastructures pour une « relance verte » – Investing in infrastructure for a ‘green recovery’, McKinsey, 20 janvier 2021