Par Dre Jessica Turner ,
ACII, administratrice déléguée et responsable des services-conseils internationaux en matière de catastrophes, Guy Carpenter
09/23/2021
Malgré les perturbations et la contraction économique généralisée de 2020, qui ont entraîné une diminution de 7 %1 des émissions annuelles de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, l’année a été, à égalité avec 2016, la plus chaude jamais enregistrée2. Les changements climatiques demeurent l’un des enjeux les plus importants de notre époque et effectuer les transformations nécessaires pour relever le défi transformera chaque individu et chaque secteur de l’économie.
Le secteur de la construction sera touché de deux façons fondamentales. La première est le besoin crucial de réduire sa propre empreinte carbone, qui se compose généralement du carbone intrinsèque (le carbone utilisé pour produire les matériaux) et du carbone opérationnel (le carbone provenant de l’exploitation de l’actif bâti). En combinant ces deux types d’émissions, le secteur est responsable de près de 40 % des émissions de carbone liées à l’énergie3. Un rapport de l’International Energy Agency (IEA) (agence internationale de l’énergie) publié en 20204 a révélé que les émissions des bâtiments n’étaient pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs climatiques. Les gouvernements du monde entier réagissent à la nécessité d’assurer la transition de leurs économies. Par exemple, en juillet 2021, la Commission européenne a adopté un ensemble de propositions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’UE de 55 % au cours de la prochaine décennie.
Diverses activités et innovations sont nécessaires pour corriger la trajectoire actuelle des émissions du secteur de la construction. Il est essentiel d’améliorer l’efficacité énergétique dans la conception et la construction, ainsi que dans l’exploitation des bâtiments. Pour ce faire, il faut appliquer des codes d’efficacité énergétique plus stricts aux nouvelles constructions afin d’éviter de bloquer les émissions futures, et rénover le parc existant. Le chauffage, surtout dans les pays développés, doit s’éloigner des sources de combustibles fossiles. La planification urbaine doit tenir compte de l’intensité carbonique, notamment par le biais de réseaux intelligents intégrés aux quartiers pour gérer l’offre et la demande. Il est également important d’incorporer des énergies propres, comme le chauffage solaire ou une micro éolienne, dans les bâtiments. Des changements importants sont également nécessaires dans le secteur des matériaux. La décarbonisation de la production d’acier et de béton représente actuellement un défi de taille. La solution consiste à remplacer ces matériaux, dans la mesure du possible, par des produits à plus faible intensité de carbone et à augmenter le recyclage. Pour accroître la capacité de réutilisation ou de recyclage des matériaux, il faut documenter les détails des matériaux inclus dans les actifs bâtis.
Le deuxième impact fondamental est l’augmentation du risque physique pour la construction, les biens et les infrastructures en cas de phénomènes météorologiques violents. Les études d’attribution montrent que les changements climatiques jouent un rôle dans l’augmentation de la probabilité d’événements extrêmes. Les phénomènes météorologiques violents couvrent une grande variété de phénomènes et les répercussions des changements climatiques sur la fréquence et la gravité de ces phénomènes météorologiques violents dépendent du risque et de la région.
Les températures mondiales augmentent et le risque accru de canicules en est l’une des conséquences les plus évidentes. À un certain niveau, des températures extrêmes peuvent interrompre les travaux sur les projets de construction pour des raisons de santé et de sécurité, tout en risquant de compromettre la solidité structurelle des matériaux, de provoquer un mauvais fonctionnement des machines et d’augmenter les risques d’incendie sur le site.
Les fortes précipitations et les inondations sont un autre risque qui devrait augmenter en raison des changements climatiques. Des circonstances graves peuvent causer des dommages importants sur les chantiers, notamment des excavations qui s’effondrent, des matériaux exposés qui se gorgent d’eau et des surfaces qui deviennent glissantes.
Bien que les coups de vent et les vents violents soient aussi connus pour représenter un risque pour la construction, l’impact du vent est moins certain que celui de la température et des précipitations. Les cyclones tropicaux sont susceptibles de devenir plus intenses, mais il n’a pas encore été démontré que les tempêtes de vent aux latitudes moyennes sont influencées par les changements climatiques5.
L’augmentation de la fréquence et de la gravité de certains dangers naturels ne concerne pas seulement les projets de construction eux-mêmes, mais constitue également un point important à considérer durant la phase de conception. On s’attend à ce que l’environnement bâti soit soumis à une plus grande pression des événements extrêmes à l’avenir, ce qui exigera une plus grande résilience des bâtiments ainsi qu’une conception, des matériaux et un entretien améliorés. Les infrastructures en place aujourd’hui risquent de ne plus être adaptées aux nouvelles conditions climatiques et devront être modernisées ou remplacées.
Bien que la transformation vers un secteur de la construction neutre en carbone soit difficile, elle devrait et doit être adoptée. D’énormes occasions existent pour les entreprises qui développent de nouvelles technologies, de nouvelles conceptions et de nouveaux processus. Celles qui prennent du retard risquent de devenir obsolètes. Si, en tant que société, nous parvenons à réaliser les ambitions de l’Accord de Paris, le secteur de la construction aura un aspect fondamentalement différent dans les prochaines décennies, mais il sera plus propre, plus efficace et plus résilient.